Réduction des importations, production d’engrais verts, décarbonation… voici pourquoi le groupe OCP mise gros sur l’ammoniac vert

Mostafa Terrab, PDG du groupe OCP, et Andrew Forrest, PDG de Fortescue Energy, lors de la signature du partenariat entre les deux entreprises pour la création d'une co-entreprise qui produira de l’hydrogène vert et de l’ammoniac vert au Maroc.

En multipliant les initiatives visant à produire de l’ammoniac vert à travers l’hydrogène vert, le groupe OCP souhaite réduire sa dépendance aux importations de cet intrant et verdir son activité dans un contexte marqué par une forte demande des engrais verts sur le marché mondial, particulièrement en Europe et aux États-Unis. Explications.

Le 13/04/2024 à 15h59

Le lundi 8 avril, le groupe OCP a posé un nouveau jalon dans sa stratégie de décarbonation, à travers la création d’une co-entreprise avec l’Australien Fortescue. Cette nouvelle entité produira de l’hydrogène vert et de l’ammoniac vert, qui seront utilisés comme source d’énergie verte et dans la fabrication d’engrais verts au Maroc.

Le leadeur mondial des engrais à base de phosphates accélère ainsi la cadence dans la construction d’un futur écosystème intégré de production d’ammoniac vert, à partir de l’hydrogène vert. Cet ammoniac décarboné sera principalement produit dans la future usine de Tarfaya, site qui a nécessité un investissement de 70 milliards de dirhams et qui aura une capacité de production de 200.000 tonnes à son démarrage en 2026, avant de passer à 1 million de tonnes en 2027, puis à 3 millions de tonnes à l’horizon 2032. Des intrants propres qui faciliteront la réalisation de l’objectif de l’OCP: passer d’une production annuelle d’engrais de 12 à 20 millions de tonnes à l’horizon 2027.

Le projet de production d’ammoniac vert, qui entre dans le cadre du programme de développement du groupe (2023-2027), d’un budget de 130 milliards de dirhams, sera porté par Hydrojeel, filalie d’Innovx, elle-même filiale multisectorielle de l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P).

Réduire sa dépendance aux importations

Pourquoi donc la multinationale marocaine mise gros sur l’ammoniac vert? «L’OCP a consommé au cours de ces dernières années 1 million de tonnes d’ammoniac par an pour produire des engrais. Le groupe, qui prévoit d’augmenter sa production, aura besoin de 2 millions de tonnes d’ammoniac en 2030, dont une moitié proviendra du marché international, et l’autre moitié sera produite dans ses installations», explique Amin Bennouna, expert en énergie, contacté par Le360.

Dans son méga-programme précité, le groupe annonce la production de 5 gigawatts d’énergie éolienne et solaire d’ici 2027, qui sera notamment affectée à la production d’ammoniac vert. Modus operandi: «Des centrales éoliennes et solaires produiront de l’hydrogène vert à partir de l’eau de mer dessalée, qui sera ensuite acheminé via des tuyaux vers les usines de production de l’ammoniac vert», décrit notre interlocuteur.

Anticiper sur la demande d’ammoniac vert d’ici 2050

L’agence Reuters abonde dans le même sens, indiquant que l’usine d’ammoniac de Tarfaya permettra au groupe OCP de réduire ses importations d’ammoniac, qui avaient atteint 20 milliards de dirhams en 2022. Une facture qui pourrait d’ailleurs augmenter en raison de la volatilité des prix de cet intrant sur les marchés mondiaux depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

La fabrication de l’ammoniac vert permettra aussi au groupe OCP d’anticiper une hausse exponentielle de la demande de cet intrant sur le marché international au cours des prochaines décennies. D’après l’agence de notation américaine S&P Global Commodity Insights, le marché mondial de l’ammoniac vert devrait être pratiquement multiplié par dix d’ici 2050, pour atteindre les 160 millions de tonnes.

Au-delà de la réduction de sa dépendance aux importations, la production d’ammoniac décarboné permettra également au groupe OCP, qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040, de produire d’importantes quantités d’engrais verts pour servir l’Europe et aux États-Unis, deux marchés lancés dans une politique de décarbonation de leur agriculture, dont les besoins devraient aller crescendo durant les prochaines années, et dont les portes se fermeront progressivement aux engrais traditionnels.

Par Elimane Sembène
Le 13/04/2024 à 15h59