Il y a un sniper chez nous

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ChroniqueJ’ai compris qu’il pourrait y avoir des zones sombres dans ce jeu quand mon fils m´a expliqué qu´ils faisait partie d´un groupe virtuel, qui se donnait rendez-vous online à des heures impossibles. Les «amis virtuels» étaient des Français, Anglais, Saoudiens, Belges, Pakistanais, Colombiens…

Le 04/02/2016 à 12h12

Voir mon fils et ses amis crier comme des fous devant une PlayStation était une expérience amusante. Le bonheur à 14 ans passe par la libération de l’adrénaline. A leur âge, nous le faisions en sautant les clôtures des bergers pour chaparder les figues du voisin.

Mes déplacements à l´étranger lui permettaient de s’armer de manettes, caméras, casques et jeux vidéo, chaque fois plus sophistiqués, mais aussi violents et chers. Je n´ai jamais dit non à ses commandes. C´est toujours un bonheur d’entendre: «Waw, t’es un papa trop cool», à coup de «Call of Duty», «Battlefield», «Fallout», «Sniper», «Metal Gear Solid», et leur violence, leurs tirs assourdissants et leurs scènes sanguinolentes.

La banalisation de la violence dans son état pur !

J’ai compris qu’il pourrait y avoir des zones sombres dans ce jeu apparemment inoffensif quand mon fils m´a expliqué qu´il faisait partie d´un groupe virtuel qui se donnait rendez-vous online à des heures impossibles. Les «amis virtuels» étaient français, anglais, saoudiens, belges, pakistanais, colombiens…

Au premier abord, l’effet de la globalisation est réjouissant. Des adolescents issus de cultures diverses, unis par le même élan de partage. Une merveille. C’est en grattant un peu que l’on découvre que la réalité des jeux vidéo peut cacher des réalités moins réjouissantes pour l’éducation de nos enfants.

Je connais mon fils et ses amis que j’ai vus grandir depuis leur tendre âge. Cependant, je ne sais rien de ceux qui se dissimulent derrière la Toile. S’agit-il d’enfants passionnés, comme ceux que je connais ici, par un produit culturel de leur temps ? Le Net peut cacher aussi une autre réalité, utilisant les jeux pour des fins moins plaisantes.

Les jeux vidéo dont nous parlons génèrent une dimension sectaire inquiétante. Quand un enfant adhère à leurs règles, il devient membre d´un clan, soumis à un modèle et à son influence. Si un membre ne répond pas aux critères, il est banni. Ce clan fermé recherche des adhérents dans le seul but de poursuivre ces objectifs: s’amuser, se défier, s’améliorer…

Accéder au groupe peut tirer le joueur vers une “cyberaddiction” avérée, qui fonctionne comme la dépendance à la drogue ou à l’alcool. L’endorphine générée pendant le jeu par le cerveau entraîne la dissimulation des conflits personnels, la diminution de l’anxiété, mais surtout une certaine euphorie.

Un adolescent accro aux jeux online perd sa capacité naturelle de communiquer dans la vie réelle. Connecté à Internet, il est confronté à d'autres joueurs et doit s’adapter par rapport à eux. Il devient l’otage de sa machine et une proie pour les vautours du Net.

Nos enfants appartiennent a l'ère digitale. Mais ils n’ont pas le discernement nécessaire pour la bonne utilisation de ce phénomène. La famille, soutenue par l’Etat, doit faciliter l´intégration positive des nouvelles technologies et leur bon usage. Le potentiel est infini. Les risques aussi, mais ils sont évitables.

Un dimanche, mon fils m’a demandé de l’accompagner à Bab El Had à Rabat. Pour le vaste arsenal d´outils de guerre virtuelle qui m’avait coûté les yeux de la tête, nous avons perçu quelques centaines de dirhams. J’ai eu droit à une glace.

Par El Arbi El Harti
Le 04/02/2016 à 12h12