La terre a tremblé au Maroc ? Ah bon ?

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ChroniqueLe plus drôle, c’est que non seulement je n’étais pas le seul à ignorer que la terre avait tremblé pas loin de moi, mais qu’en plus les gens s’en fichaient comme de la dernière pluie.

Le 26/04/2016 à 11h03

D’abord, je vais commencer par vous affirmer que ce titre n’est pas faux ni trompeur. Je présume même que vous êtes déjà au courant que dimanche dernier une secousse tellurique a été enregistrée au large de la côte atlantique marocaine, du moins si l’on croit les responsables de l’Institut National de géophysique que d’ailleurs nous n’avons aucune raison de ne pas croire. Ces gens-là, s’ils sont là où ils sont, c’est qu’ils ne doivent pas être des farfelus qui lancent de temps en temps des infos comme ça, juste pour se marrer ou pour nous faire trembler de peur. Ce n’est d’autant pas drôle que la magnitude était tout de même, toujours selon les sérieux observateurs de l’ING, de 5,3 degrés sur l’échelle de Richter, qui, lui-même, n’était pas un rigolo non plus.

En vérité, vous imaginez bien que je n’ai pas fait toute cette introduction juste pour vous raconter ce que vous savez probablement déjà. Si j’ai décidé d’aborder avec vous ce sujet c’est pour avouer qu’il ne m’a pas du tout secoué, et pour cause. En effet, au moment de ce tremblement de terre – quel mot affreux! – j’étais en train, tout bonnement, de déjeuner, ce que faisaient ou avaient fait déjà des millions d’autres Casablancais. La seule différence c’est que mon épouse officielle et moi-même, étions attablés, face à la mer, et à seulement quelles dizaines de mètres de l’océan atlantique, lieu où avait eu lieu le séisme susmentionné. Le communiqué de l’ING relayé par notre vénérable et néanmoins professionnelle agence de presse nationale MAP, avait indiqué que la secousse s’était produite à 15h45 précises. Or, je crois qu’à ce moment-là, j’étais soit en train de finir mon Saint Pierre grillé ou bien en train d’entamer mes profiteroles à la glace vanille et au chocolat chaud, dessert que j’avais commandé pour fêter la baisse de mon taux de glycémie que j’avais vérifié la veille, mais ça, c’est un autre problème.

Bref, tout cela pour vous dire que si je ne m’en souviens pas avec précision, c’est parce que tout simplement, je n’avais absolument rien senti, je vous le jure. En fait, je n’ai appris la nouvelle de cette secousse tellurique que quelques heures plus tard par internet, preuve s’il en est que ça sert quand même à quelque chose. Mais, ce qui est le plus drôle, c’est que non seulement je n’étais pas le seul à ignorer que la terre avait tremblé pas loin de moi, mais qu’en plus les gens s’en fichaient comme de la dernière pluie. Il suffisait de faire un tour sur les terrasses de café ou sur les réseaux sociaux – les débats qui s’y déroulent sont souvent très semblables – pour se rendre compte que les gens avaient des soucis, sans jeu de mots, beaucoup plus terre-à-terre, comme, par exemple, la victoire par 6 à 0 du Barça sur Gijón, ou la défaite du Raja, chez elle, à huis-clos, contre le DHJ.

Maintenant, pour donner un peu de sérieux et de consistance à cette chronique qui en manque terriblement, je voudrais répéter ce que j’ai déjà eu l’occasion de partager avec des amis aujourd’hui même. Je pense que si, apparemment, personne n’a rien senti de ce que les appareils vigilants de l’ING ont bien enregistré, c’est que, peut-être, nous avons perdu le sens de la sensibilité, ou, au mieux, nous sommes en train de devenir progressivement insensibles aux vrais problèmes qui, de temps à autre, sans jeu de mots encore une fois – secouent notre pays. J’en veux pour preuve le terrible carnage qui a lieu ce week-end dans la région d’El Jadida, et qui, justement, n’a pas soulevé un grand débat au sein de notre société. Je ne dis pas qu’il ne faut plus s’intéresser au foot, à la télé-réalité ni même aux histoires de crêpage de chignons entre ou avec des stars de la télé ou supposées telles, mais tout cela ne doit pas nous faire oublier les vraies valeurs humaines auxquelles nous devons rester continuellement et éternellement sensibles, du moins si nous ne voulons pas perdre une fois pour toutes ce qui reste encore de notre sensibilité d’êtres humains.

Je sais que tout cela n’a aucun rapport avec la secousse tellurique survenue sur nos côtes atlantiques ce dimanche, mais si même cela ne nous fait rien, c’est que sans doute nous avons perdu notre chemin. Nous nous sommes perdus, quoi ! La solution ? Je n’en sais rien, moi. Tout ce que je pourrais vous répondre c’est ce que, comme disaient et répétaient souvent nos illustres ancêtres, «Quand on se perd, on s’assoit par terre». Peut-être qu’avec ça, à Dieu ne plaise, on va la sentir, la prochaine secousse et qu’on va enfin recommencer à ressentir ce que ressentent les autres.

Après ces cogitations involontairement philosophiques et qui ne sont même pas drôles, je n’ai plus qu’à vous dire vivement un peu plus de sensibilité et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 26/04/2016 à 11h03