Bart le Barbare

Anvers est une superbe ville – surtout le centre historique – un grand port, une capitale culturelle et on y mange très bien. Voilà pourquoi j’y vais régulièrement. Et tout aussi régulièrement, je m’y fais insulter. Pas par les locaux, ils sont en général courtois et sympathiques. Non, c’est un certain Bart de Wever qui m’insulte à date fixe, en général avant des élections. De Wever est un populiste qui a fait sa carrière en brandissant un épouvantail : ‘le Marocain’, ououououh, « ce maudit animal, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal », et les benêts effrayés votent pour l’homme qui crie au loup. Ils en ont fait le bourgmestre d’Anvers.

Récemment, Bart de Wever a innové. Le lundi 23 mars dernier, c’est en tant que ‘Berbère’ qu’il m’a insulté. Voilà ce qu’il a déclaré à la radio VRT : « Parmi les Marocains de Belgique, ce sont surtout les Berbères qui ne s’intègrent pas. Ce sont des communautés fermées, avec une défiance envers les autorités. » En entendant ces phrases idiotes, j’ai pensé à feue ma grand-mère, qui ne parlait que le tachelhit, dont les sonorités ont bercé mon enfance. Qu’aurait-elle pensé d’un type aussi primaire ? Elle l’aurait peut-être désintégré d’un seul regard…

J’ai envoyé un courrier à M. de Wever lui indiquant que depuis le tristement célèbre ‘Dahir Berbère’ de 1930, on ne distingue plus entre Marocains. Nous formons un tout, à prendre ou à laisser. Et nous préférons le terme ‘amazigh’ à ‘berbère’. Pourquoi ? Pour exactement la même raison qui a fait que Bart de Wever a commencé à utiliser le mot ‘berbère’ : parce qu’il joue sur les sonorités pour suggérer une similitude étymologique avec le mot ‘barbare’. On est toujours le barbare de quelqu’un. De Wever serait surpris d’apprendre qu’il est le barbare de ceux qui ont construit Fès et Marrakech et produit Ibn Roshd, Ibn Khaldoun ou Mokhtar Soussi…