Julien Jalâl Eddine Weiss: Le maître du qânun s'en est allé

Jalâl Eddine Weiss en compagnie de Hussein el Adhami

Jalâl Eddine Weiss en compagnie de Hussein el Adhami . DR

Le monde vient de perdre un grand homme en ce grand connaisseur de la musique arabe et virtuose du oud et du qânun qu'était Julien Jalâl Eddine Weiss. Un mélomane au grand coeur qui aura voué sa vie aux traditions musicales des terres d'Orient et à leur rayonnement.

Le 03/01/2015 à 13h54

Julien Jâlal Eddine Weiss, fondateur, directeur artistique et musicien de l'ensemble Al-Kindi, s’est éteint ce vendredi 2 janvier 2015, après une longue lutte de deux ans contre le cancer. Ce grand mélomane, né d’un père alsacien et d’une mère suisse à Paris, en 1953, vouera sa vie à sa passion pour la musique arabe et la culture soufie. Après une formation, dans les années soixante, de guitariste classique, Julien Jalâl Essine Weiss décide de prendre son bâton de pèlerin pour écumer le monde, de la Californie au Maroc, en passant par les Antilles. De retour en France en 1974, il composera plusieurs pièces pour guitare classique et prendra part à une création du réalisateur tunisien Sharif Allaoui avant de découvrir en 976, à l’occasion d’une réception en l’honneur du futur ministre égyptien de la culture Farouk Hosni, l’univers de Mounir Bachir, le grand maître irakien du Oud. Une révélation pour l’artiste qui renoncera à la guitare classique et aux harmonies jazz pour se lancer à corps perdu dans l’étude du luth et des lois microtonales régissant la musique orientale. Ce avant de se tourner vers le qânun (cithare trapézoïdale à cordes pincées) qui le mènera en terres d’Orient, de Tunis à Beyrouth, de Bagdad au Caire, d’Istanbul à Damas, pour suivre l'enseignement de grands maîtres.

Julien Jalâl Eddine Weiss, qui deviendra un véritable virtuose du qânun, rencontrera ainsi Mounir Bachir dont il sera le disciple puis l’ami et pour lequel il composera, en hommage, la "Bagdadian Suite" qui sera interprétée au Festival de Babylone en Irak. Cet expert de la musique arabe traditionnelle aura consacré des années à l'étude des traités musicaux grecs, arabo-persans, turcs, byzantins… C’est en 1983 qu’il fondera l'ensemble instrumental Al-Kindî dont le nom fait référence au philosophe, mathématicien et astronome irakien du IXe siècle, Abu Yusuf Al-Kindî, père de la théorie scientifique de la musique arabo-musulmane.

Conversion à l’islam et immersion en terre de SyrieEn 1986, Julien Weiss se convertira à l’islam et deviendra Julien Jalâl Eddine Weiss, en référence au fondateur de l'ordre des derviches tourneurs, Jâlal Eddine Rûmi. Poussant toujours plus loin son immersion dans cet Orient qui le passionne, l’artiste achètera, en 1995, la maison de ses rêves dans l’ancienne ville de la mythique Alep. Et, dans son manoir du XIVe siècle jouxtant les souks millénaires, défileront des musiciens des quatre coins du monde avec lesquels il partagera son amour de la musique arabe, sacrée comme profane. Aujourd’hui, le monde, de la France à la Syrie, de la Suisse au Maroc, pleure un grand homme et un immense artiste que les plus grands noms de la musique arabe ont reconnu comme l’un de leurs plus prestigieux représentants et qui, de Babylone à Baalbeck, en passant par Fès, laissera son nom dans les mémoires.

Par Bouthaina Azami
Le 03/01/2015 à 13h54