Les dessous d’une “enquête“ bidon sur deux biens appartenant au Roi

DR : Photo Montage

Un voilier et un appartement, appartenant au roi Mohammed VI, font l’objet d’une pseudo enquête qui se base sur des données publiques dans l’espoir de créer du sensationnel. Détails et décryptage de la manœuvre.

Le 07/03/2016 à 14h32

Encore un journaliste qui fait de l’investigation en enfonçant des portes ouvertes! L’Américain Will Fitzgibbon, pigiste de son état, vient d’adresser un questionnaire à Mounir El Majidi, secrétaire particulier du roi Mohammed VI, via l’avocat Hicham Naciri. Dans son courriel, ce journaliste précise qu’il fait partie d’un réseau de journalistes indépendants, appartenant à l’International consortium of investigative journalists (ICIJ) et qu’il enquête sur les sociétés offshore. Il commence par expliquer qu’il n’y a rien d’illégal dans le fait d’avoir une société offshore, mais que sa démarche se justifie par les investigations menées par plusieurs gouvernements sur ces sociétés et leurs propriétaires.

Ensuite, Will Fitzgibbon affirme avoir identifié deux sociétés, SMCD Limited et Immobiliere Orlon S.A., respectivement établies aux Iles vierges et au Luxembourg. Ces deux sociétés sont dirigées par Mounir El Majidi, en sa qualité d’administrateur. Cette extraordinaire révélation du journaliste free-lance est une donnée publique, consultable par tous. On ne pourra même pas dire qu’il n’y a rien d’illégal dans ces deux sociétés puisque Fitzgibbon l’admet lui-même dans l’introduction de son questionnaire. Le plus drôle va suivre.

Pourquoi avoir acheté un voilier et un appartement avec votre argent !Après avoir identifié ces deux sociétés, Will Fitzgibbon en arrive à ce qu’il considère comme le cœur de son enquête. La société SMCD a acheté un voilier (une goélette) qui appartient au roi Mohammed VI. Les Marocains connaissent d’ailleurs bien le voilier en question, Al Boughaz, qu’ils voient régulièrement mouiller dans les ports au nord du royaume. Fitzgibbon demande à Mounir El Majidi de commenter l’achat de ce voilier! Il ajoute : «Vous êtes administrateur de Immobiliere Orion S.A qui a emprunté en 2003 la somme de 42 millions de dollars pour acheter et aménager un luxueux appartement à Paris. Est-ce que cet appartement a été acheté pour le compte du roi Mohammed VI ?» Est-ce ainsi que l’on fait du journalisme d’investigation?Tenir un ton inquisitorial pour demander des comptes sur des opérations légales, relevant de la sphère privée? Est-ce en se focalisant sur deux achats que l’on cherche à transformer en découvertes des informations publiques? De quel droit demander des comptes au sujet d’un voilier et d’un appartement appartenant au roi du Maroc?

"Le voilier Al Boughaz"

Will Fitzgibbon a justifié les investigations du réseau de journalistes auquel il appartient par le fait que les sociétés offshore font l’objet d’enquêtes de la part de leurs gouvernements. De quels gouvernements s’agit-il? Le gouvernement marocain ? Mohammed VI est chef de l’Etat et il serait étonnant qu’il ait demandé à son gouvernement de diligenter une enquête sur ces deux sociétés. Mais peut-être que ce journaliste considère que le gouvernement marocain n’a pas encore atteint son âge d’adulte pour mener seul ce genre d’investigations. Le gouvernement marocain serait-il sous tutelle d’un autre pays? Sans doute que Will Fitzgibbon et certains journalistes occidentaux se comportent avec le Maroc comme s’il était encore sous protectorat. Ces journalistes seraient fondés de se mettre dans la tête que nous, Marocains, n’avons pas à donner d'explications et que nous ne sommes pas des Français. Il existe une loi marocaine au regard de laquelle ces deux sociétés sont totalement légales et transparentes. D’ailleurs, les documents et données au sujet des deux sociétés, citées par le questionnaire, sont publics. Quiconque peut les consulter. Circulez, il n’y a rien à cacher!

Ce n’est pourtant pas de cette oreille que l’entendent Will Fitzgibbon et ceux qui lui ressemblent. Ils viennent avec leurs gros sabots, confortés par leurs supériorités d’anciens colons, fouler le sol d’appartements qui ne leur appartiennent pas et réquisitionner quand ils en ont envie les embarcations des anciennes colonies de la France. Est-ce ainsi que ce journaliste va se comporter avec les géants de son pays cotés en bourse comme Apple, Google ou Amazon qui utilisent tous des paradis fiscaux pour optimiser leurs revenus ? Est-ce que le réseau de journalistes auquel il appartient va demander au Qatar, qui a acheté quasiment la moitié de Paris, des comptes sur les biens innombrables que ce pays possède en France ? Est-ce que la Russie ou la Chine, deux pays qui comptent des milliers de sociétés championnes de l’optimisation fiscale, seront concernés par cette enquête ? Très peu probable. Bizarrement, ce sont les pays anciennement colonisés par la France qui sont visés par ces pseudo enquêtes. Il s’agit d’un faux dossier d’investigation, basé sur des données publiques, et qui intervient – une fois encore– alors que le roi se trouve en France. Elle commence à devenir lassante cette manie à vouloir sortir des dossiers creux chaque fois que le souverain visite la France.

Que peut bien cacher cette enquête qui veut révéler des informations disponibles et consultables par tous ?

Les raisons de la manœuvreSans aller jusqu’à soupçonner Will Fitzgibbon de chercher à extorquer de l’argent, force est de constater que son modus operandi rappelle très curieusement la démarche d’Eric Laurent auprès de l’avocat Hicham Naciri. Quand on cherche à savoir qui est Will Fitzgibbon et quelles sont les enquêtes retentissantes qu’il a menées, on trouve très peu de choses à l’exception de deux informations : il a intégré le réseau de l’ICIJ en 2014 et il a fait partie de l’équipe qui a mené des investigations dans ce que la presse a baptisé Swiss Leaks. Est-il besoin de rappeler que le roi du Maroc a servi de faire-valoir à une «enquête» du journal Le Monde, relative à Swiss Leaks, qui s’est à son tour basé sur des données publiques pour créer du sensationnel. L’article en question, publié dans Le Monde, était cosigné par Ahmed Reda Benchemsi. Swiss Leaks n’est pas d’ailleurs le seul dénominateur commun entre Fitzgibbon et Benchemsi. Les deux hommes se connaissent vraisemblablement, comme en attestent leurs comptes Twitter où ils se suivent. Et quand on parle de Benchemsi, son bienfaiteur, le prince Moulay Hicham, n’est jamais bien loin.

A l’approche du procès du tandem de racketteurs Laurent/ Graciet, certains s’activent à commander de pseudo enquêtes, auxquelles ils assignent l’objectif de porter atteinte à l’image du chef de l’Etat, dans l’espoir de parasiter le verdict. Les deux avocats Patrick Baudouin et William Bourdon, ceux-là mêmes qui représentent, l’un ou l’autre, Eric Laurent, Moulay Hicham et toute la bande de ses affidés (Zakaria Moumni, Ahmed Reda Benchemsi…) sont au centre des manœuvres hostiles au royaume et ses institutions. Les deux avocats se connaissent très bien, puisque William Bourdon a occupé le poste de secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), alors que Patrick Baudouin en est le président d’honneur.

Une question de bon sens : pourquoi est-ce justement l’avocat de Moulay Hicham qui défend les individus qui ont maille à partir avec le royaume ? Qui paie ces avocats dont les honoraires font trembler les mains de PDG de multinationales au moment de libeller le chèque? La générosité de Moulay Hicham est vraisemblablement sans limites quand il s’agit de nuire à sa famille. Toutefois, l’étincelle attendue de «l’enquête» de Will Fitzgibbon n’aura pas lieu pour la simple raison que les «investigations» portent sur des informations publiques… Et le roi du Maroc ne demande pas d’autorisation avant d’acquérir un bien.

Par Aziz Bada
Le 07/03/2016 à 14h32