Les raisons de la colère du Maroc contre les bureaucrates du Département d’Etat US

Le secrétaire d'Etat John Kerry et son homologue marocain, Salaheddine Mezouar, à l'issue des travaux de la 3ème session du Dialogue stratégique Maroc-Etats-Unis. 

Le secrétaire d'Etat John Kerry et son homologue marocain, Salaheddine Mezouar, à l'issue des travaux de la 3ème session du Dialogue stratégique Maroc-Etats-Unis.  . dr

Certains analystes parlent déjà d’une crise entre le Maroc et les Etats-Unis, voire au moins avec le Département de John Kerry. La réaction vigoureuse du Maroc vise plutôt le groupe de bureaucrates de ce département qui ont toujours ignoré les explications et arguments de Rabat. Eclairage.

Le 19/05/2016 à 20h03

Pourrait-on vraiment parler de crise entre le Maroc et les Etats-Unis avec un Barack Obama qui rendra le tablier dans quelques mois? Ou alors de crise avec John Kerry appelé lui-même à céder la place? Ne nous y trompons pas: il n'y a pas de crise avec l'Administration Obama, encore moins avec le Département d'Etat.

La réponse la plus sensée serait plutôt de dire qu’il s’agit d’une crise entre le Maroc et les bureaucrates du Département d’Etat, assis confortablement derrière leurs ordinateurs à Washington, qui rédigent des documents aussi sensibles que le rapport sur la situation des Droits de l’Homme dans le monde. Rapport, rappelons-le, qui a suscité la colère du Maroc et une réponse vigoureuse et argumentée.

Guidés par leurs éternels préjugés (le dernier rapport n’étant pas trop différent des précédents), par paresse et/ou par méconnaissance (volontaire) de la réalité du terrain, ces bureaucrates font leur propre compilation de ce qui atterrit sur leurs bureaux. Et quand on parle de compilation, on parle de choix évidemment et de subjectivité.

D’ailleurs, est-ce pour rien que la réponse du Maroc évoque à maintes reprises et à bon escient évidemment le terme de «desk» (très en vogue aussi chez les journalistes)?!

Ces «gardiens du desk» ont choisi d’ignorer tous les arguments présentés par le Maroc, au cas par cas, et preuves à l’appui, pour ne retenir que ce qui arrange leurs «sources».

Pour ceux qui ne le savent pas, le Maroc, à travers ses départements ministériels concernés (Justice, Intérieur…), a toujours procédé de cette manière. Il a répondu à tous les rapports précédents, selon la même méthodologie, mais ses arguments n’ont jamais été pris en compte comme le font d’autres organismes dont Amnesty International.

Le Maroc, excédé par cette supercherie, a fini par exprimer son ras-le-bol qui résonne comme une mise en garde. Et qui fait aussi figure d’un appel à la rigueur!

Maintenant, c’est à John Kerry, et éventuellement à ses futurs successeurs, de recadrer leurs staffers de manière à les pousser à ne plus faire la sourde oreille aux éclaircissements des autres parties concernées.

Mais d’aucuns diront que la réaction du Maroc a été trop tardive, sachant que le rapport en question date du 13 avril. Là aussi, la réponse est que le Maroc a relancé le Département d’Etat concernant sa version et ses explications. Des rencontres à plusieurs niveaux ont aussi eu lieu. Mais les bureaucrates du «desk» ont continué à fuir en avant, à regarder ailleurs, de haut! D’où la réaction rigoureuse du Maroc. Et qui ne peut être interprétée comme une crise ni avec l’Administration Obama, ni avec John Kerry.

Nous nous sommes retrouvés dans un scénario presque identique à la crise qui a opposé le Maroc à Ban Ki-moon et le staff de son Secrétariat. En aucun cas, ce n’était une crise avec l’ONU ou d’une démarche qui pourrait être synonyme d’un Maroc au ban des Nations. 

Par Mohammed Boudarham
Le 19/05/2016 à 20h03